La théorie des boîtes : autisme et fatigue, burn-out, dépression

Cet article est une retranscription d’une vidéo que j’ai tournée et mise en ligne sur Youtube. Vous pouvez regarder la vidéo et/ou lire la transcription.

Aujourd’hui j’ai envie de vous parler de fatigue, de burn-out, de crises autistiques et de boites qui s’emboitent 🙂

Petit trigger warning : on va parler de dépression et de suicide, si c’est pas OK pour vous, il vaut mieux passer votre chemin. Surtout prenez soin de vous et faites vous aider. Vous méritez mieux.

Julie Dachez a fait il y a quelques années une vidéo pour expliquer la fatigabilité des autistes en se basant sur la théorie des cuillères, théorie développée par une femme atteinte d’une maladie chronique. 

Je cautionne à 100% la démonstration de Julie Dachez mais j’aimerais aller un peu plus loin pour faire un lien avec les crises d’angoisse, crises autistiques, burn-outs et autres dépressions qui sont causées précisément par cette fatigabilité lorsque nos besoins ne sont pas respectés. 

Même si Julie Dachez dans sa vidéo en explique la raison, j’ai un peu de mal avec l’image des cuillères, l’objet n’ayant pas de lien direct avec la fatigue (je ferai peut-être une vidéo pour expliquer ça plus amplement mais pour résumer j’ai du mal à utiliser une expression imagée si je n’arrive pas mentalement à faire le lien entre l’image et le concept, et là, cuillère, fatigue, j’y arrive pas).

De mon côté je visualise mes réserves d’énergie comme des boites donc ma démonstration se basera sur mon image mentale et non sur celle utilisée par Julie Dachez, mais le concept reste le même.

Imaginez qu’à la naissance vous naissiez avec un capital Vie équivalent à 120 ans d’énergie. 

Jeanne Calment nous a prouvé que c’était possible, alors soyons optimiste, c’est sûrement la dernière fois qu’on le sera.

Visualisez le comme une immense boite remplie à ras bord d’un magnifique liquide bleu. 

Pourquoi bleu ? Parce que le bleu c’est beau. C’est ma couleur préférée et comme c’est ma vision, c’est moi qui choisis la couleur 🙂

A l’intérieur de cette immense boite de 120 ans, il y a 120 boites d’une année.

Chacune de ces boites correspondant à une année d’énergie contient 12 boites d’un mois, qui elles-mêmes contiennent, on va arrondir, 30 boites d’une journée, qui elles-mêmes contiennent 24 boites d’une heure, vous avez compris le concept.

A partir du moment où je suis réveillée le matin, en admettant que je sois en pleine forme ce qui est rarement le cas, et donc avec mes 24 boites d’une heure pleines à ras bord, je commence à creuser dans la première boite d’une heure.

En fonction de ce que je vais vivre je vais vider plus ou moins vite ma boite. Il se peut parfois qu’en seulement 5 minutes, j’ai entièrement vidé ma boite d’une heure, parce que beaucoup de stress, de stimuli, ou trop de choses à faire par rapport à mon énergie disponible.

Je vais donc commencer à creuser dans la boite de ma 2e heure, puis dans celle de la 3e heure.

je peux donc me retrouver à midi avec les 24 boites de ma journée, déjà vide. 

Quand c’est le cas je vais devoir me servir dans les boites du lendemain… Sauf si je peux me reposer pour tenter de remplir mes boites vides, en faisant une sieste par exemple.

Il se peut donc que le lundi à midi j’ai déjà épuisé la totalité des boites de ma semaine, surtout si elles n’étaient pas pleines dès le départ, mais on y reviendra.

Même avec un week-end en mode larve inanimée, ce qui est le cas de presque tous mes week-ends, j’aurai du mal à remplir mes boites suffisamment pour la semaine suivante.

Je risque donc d’entamer ma semaine suivante, avec des boites déjà à moitié vide, qui m’obligeront à taper dans celles de la semaine suivante, et ainsi de suite.

Je vais ainsi vivre ma vie en étant en permanence en dette d’énergie, devant utiliser les boites de mon avenir pour gérer mon présent.

Mais que se passe-t-il lorsque toutes les boites sont vides ?

Oui, les 120 ans potentiels d’énergie vitale avec lesquels je suis arrivée, toutes vides ?

Vous pensez que c’est impossible de vider autant d’énergie à mon âge ?

Détrompez-vous.

Je me souviens d’une conversation précise avec une amie alors que j’avais 34 ans. Je me souviens lui avoir dit que je me sentais déjà épuisée de vivre. J’avais la sensation que juste être en état d’éveil, sans rien faire, c’était déjà réduire mon espérance de vie et mon capital santé. J’étais en fait en train de débuter mon plus gros burn out autistique à ce jour, je n’en avais absolument pas conscience à l’époque ne me sachant pas encore autiste.

Et ce n’était pas la première fois que je vivais cette sensation. 

La première fois que je me souviens de l’avoir vécu, c’était à la fac, j’avais à peine une vingtaine d’années et j’étais juste vidée de tout mon capital. 

J’avais eu une année très chargée, ma 3e année de licence + le passage du permis de conduire qui a été un véritable cauchemar + une vie normale d’étudiante à savoir les soirées, la vie amoureuse, etc… Je croyais encore à cette époque pouvoir vivre comme n’importe qui, en réalité c’était beaucoup trop pour moi.

Cette année là j’ai même été admise aux urgences car je suis littéralement tombée d’épuisement un dimanche matin chez mes parents, j’ai fait un malaise et je me suis écroulée, au réveil, en voulant attraper une bouteille d’eau.

Une bouteille d’eau ça pèse à tout casser 1Kg 5.

C’était trop lourd, et je suis tombée par terre sous le poids de la bouteille d’eau, à 20 ans.

Je sais pas si ça vous donne une idée de mon état d’épuisement.

J’ai redoublé mon année de licence cette année là et c’est ce qui m’a permis de recharger mes boites, n’ayant que très peu de cours à suivre et juste quelques missions d’interims de temps à autre, j’étais majoritairement inoccupée.

c’était mon premier burn-out autistique, j’en ai eu plusieurs autres par la suite.

Dans ces moments là seule une période d’inactivité totale de plusieurs mois permet de se “réparer” : on dort, on agit très peu donc on crée un surplus d’énergie qui vient re-remplir les boites qu’on a vidé prématurément, jusqu’à retrouver un niveau d’énergie correct. 

Mais qu’est-ce qui se passe quand on a pas la possibilité de bénéficier de plusieurs mois d’inactivité totale ?

Parce que quand on est étudiant, c’est une chose, mais c’est quand même rare dans une vie d’adulte ce genre d’opportunité.

Et bien on sombre, comme je l’ai dit dans un burn-out autistique qui de l’extérieur est souvent considéré comme une dépression.

Une dépression qui peut aller jusqu’au suicide. Si si. L’espérance de vie des autistes est drastiquement plus courte que celle des neurotypiques, en partie à cause de ça.

Personnellement, je tiens à peine plus d’un an avec un rythme “classique” de travail. Et quand je dis classique, c’est même faux car comme je l’ai dit, mes week-ends sont ceux d’une larve anémiée. Si j’essayais de vivre réellement comme un neurotypique, à sortir le week end, à faire les magasins, à voir des gens,  je ne suis même pas sur que j’arriverai  tenir plusieurs mois avant de m’effondrer et d’avoir envie de me foutre en l’air.

Et les crises dans tout ça ?

Et bien justement les crises c’est ce qui arrive quand on veut se forcer à faire quelque chose, alors que nos réserves sont vides.

C’est le signe qu’on est en train de creuser notre propre tombe, littéralement, c’est notre corps qui hurle à l’aide.

Que l’on parle de crises autistiques, ou de crises d’angoisse, ça revient pour moi au même, notre corps tente de nous faire comprendre par tous les moyens qu’il est au bout du rouleau et a besoin de repos.

Et chacune d’entre elle abime durablement notre systeme nerveux, notre capacité à s’autoréguler et notre sensation de bien-être. Chacune d’entre elles, nous rapproche de la suivante, car plus on abime notre système nerveux en faisant des crises, moins il est capable de gérer le stress et plus on fait de crises.

Personnellement, des crises d’angoisse et des crises autistiques j’en ai toujours fait, mais plus les années passent, plus j’en fais car j’ai tellement creusé dans mon capital de vie que des choses qui étaient gérables par le passé, ne le sont plus. 

Plus les années passent plus mon autisme me handicape.

Donc pour résumer, une fois nos 120 boites d’ un an d’énergie vidée, ce qui peut arriver avant même l’âge adulte, on creuse dans notre capacité à être vivant, à être heureux et en bonne santé, juste  pour tenter de faire ce que la société attend de nous. Au point de vider toute notre capacité au bonheur, à la joie, à la Vie. Il Ne reste plus alors que les ténèbres, l’épuisement et le désespoir. Et c’est là qu’on attente à nos jours.

Si l’on sait alors qu’on est autiste, on doit trouver une solution pour ne plus travailler, organiser notre vie autrement, faire un dossier de handicap pour tenter de subvenir avec les aides sociales, car nous ne pouvons pas faire autrement. Mais faire ces démarches implique de savoir qu’on est autiste. Quand on ne le sait pas, on consulte un généraliste qui va nous gaver d’antidépresseurs et on va continuer à passer à coté de sa vie sans comprendre ce qui nous arrive.

Je vous fais un rapide panorama de mon parcours pour vous l’illustrer : je vous ai expliqué avoir fait mon premier burn-out vers fin 2004 début 2005, au moment de ma licence. Entre 2005 et 2010 je n’ai jamais travaillé une année complète, j’ai toujours eu plusieurs mois de repos d’affilée.

Fin 2010 j’ai commencé à travailler à temps plein, j’ai eu une pause de 6 mois en 2012 pour mon premier congé maternité. J’ai repris en 2013, et j’ai fait un second burn-out en 2014. J’avais repris le travail depuis seulement une année quand c’est arrivé. J’ai à cette époque commencé à chercher des réponses, l’autisme est rapidement venu sur le tapis, mais j’ai rejeté cette possibilité, je n’étais pas prête à l’envisager.

J’ai été sauvée par ma seconde grossesse début 2015, et je n’ai retravaillé que fin 2016 après un congé parental.

Début 2018, j’ai vécu la scène dont je vous ai parlé avec mon amie, et j’ai fait une immense dépression qu’on pourrait qualifier de 3e burn out autistique. Cette fois-ci j’ai commis une grossière erreur, que je n’aurais pas faite si j’avais su que j’étais autiste, j’ai refusé de demander un arrêt de travail, j’avais peur de ne jamais réussir à reprendre le boulot si j’arrêtais, et j’aimais énormément mon travail, j’avais la sensation que c’était ce qui me permettait de tenir alors que c’était au contraire ce qui creusait ma tombe.

J’ai quand même consulté un psychiatre qui m’a diagnostiqué des “troubles de l’humeur” sans chercher plus loin.

J’ai miraculeusement tenu le coup, non sans passer à “ça” de me suicider, en m’appuyant énormément sur mon compagnon de l’époque qui gérait mes enfants et me laissait me reposer au maximum.

J’ai ainsi réussi à re-remplir mes boites suffisamment pour tenir jusqu’à 2020 mais dans un état dépressif constant.

A cette époque là j’ai senti mon état de santé général se dégrader, j’avais creusé dans mon potentiel de santé et je l’ai senti physiquement. Ma vue a baissée, la qualité de mon sommeil s’est déteriorée.

Quant à ma capacité à être heureuse, j’avais la sensation qu’elle avait disparu pour de bon. Je n’étais vivante que pour ne pas faire de mes enfants des orphelins.

Je me souviens d’une conversation avec ma psy en 2019, lorsqu’elle m’a demandé quel était mon moment préféré de la journée, je lui ai répondu, le soir quand je vais me coucher. A partir de mon réveil le matin, je ne pensais qu’au moment où j’allais enfin pouvoir m’effondrer dans mon lit. Et je vivais comme ça chaque jour, l’un après l’autre, creusant mon capital un peu plus à chaque fois.

2020 m’a momentanément sauvée, grâce au confinement  et au télétravail qui a été une véritable bouée de sauvetage pour moi.

C’est en 2020 que je me suis faite diagnostiquer.

En 2021 le télétravail m’a offert une petite bouffée d’air et j’ai recraqué en 2022, au point cette fois-ci de quitter mon travail. Avec rien derrière. Aucune perspective autre que celle de travailler un petit peu à mon rythme en tant qu’indépendante, une fois que j’en aurai l’énergie. Et je précise que je suis mère isolée. Je suis le seul revenu de mon foyer.

Arrêter de travailler c’est prendre le risque de me retrouver en difficulté financière avec mes enfants. Mais c’est le prix à payer pour ne pas me jeter sous un train.

C’est le prix à payer pour cesser d’hypothéquer mon futur pour tenter de réussir à vivre comme la société voudrait que je vive alors que c’est impossible pour moi.

Aujourd’hui, en 2023, après presque 2 mois d’inactivité totale, je n’ai toujours pas retrouvé ma capacité à ressentir de la joie, qui a disparu pour moi depuis 2018.

Je ne sais pas encore si je retrouverai cette capacité un jour, je l’espère.

Voilà, ce que peut générer la fatigabilité chez les autistes.

On ne parle pas seulement d’une bonne nuit de sommeil pour se remettre, ou même d’un bon mois de vacances.

On parle de suicide, on parle de creuser durablement son capital santé et on parle d’incapacité totale  à ressentir des émotions positives.On parle de ne plus être capable de ressentir de l’espoir ou de croire qu’un jour la vie sera facile.

Ce que j’ai perdu en 2018, en refusant d’écouter mes besoins, je ne le récupèrerai peut-être jamais. En admettant que j’avais au départ 120 années potentielles devant moi, je suis convaincue aujourd’hui d’en avoir perdu plusieurs uniquement liées à l’autisme et à la non prise en compte de mes besoins, par moi-même ! 

Personne ne m’a fait subir ça, je me le suis faite à moi-même, car j’ai cru pouvoir vivre comme les neurotypiques, j’ai cru devoir vivre comme les neurotypiques.

Si je n’avais pas fini par savoir que j’étais autiste, je me serais surement forcée à continuer malgré tout, car le monde entier me renvoyait que j’aurais du être capable de vivre comme ça et que ce n’était pas normal que je n’y arrive pas.

La discrimination qui est exercée sur les personnes autistes, elle est structurelle. Elle n’a même pas besoin de les viser directement, juste d’imposer au niveau sociétal un standard qui nous est complètement inaccessible, et nous oblige à vivre dans la précarité si on veut pouvoir maintenir notre état de santé mental.

Donc la prochaine fois que quelqu’un vous dira qu’il est autiste et que vous aurez envie de lui répondre “ah bon ? ça se voit pas !” demandez-vous si en disant ça, vous n’êtes pas en train de lui tendre une corde qu’il pourrait finir par se mettre autour du cou, car oui, c’est ça le prix de la négation de l’autisme et de nos besoins spécifiques.

Merci à vous pour votre attention et surtout prenez soin de vous.

La diversité est l’avenir de l’humanité

Cet article est une retranscription d’une vidéo que j’ai tournée et mise en ligne sur Youtube en 2023. Vous pouvez regarder la vidéo ci-dessous et/ou lire la retranscription.

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé d’oublier de laver une partie de votre corps sous la douche ?

Ou de faire une crise d’angoisse parce que quelqu’un vous avait interrompu alors que vous étiez en train de faire quelque chose qui vous passionnait tellement que vous aviez perdu la notion du temps et de l’espace ?

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de renoncer à vous nourrir ou à vous laver parce que la simple idée de devoir mettre votre corps en mouvement était tellement épuisante qu’elle en devenait douloureuse ? Et que même prononcer les mots “je ne peux pas le faire” vous semblait impossible ?

Ou à l’inverse, de vous sentir parfois tellement débordant d’énergie que vous ne savez plus quoi faire avec votre corps pour tenter de vous débarrasser de ce trop-plein ? 

Et d’alterner ces périodes d’hypoactivité et d’hyperactivité sans cesse, sans pouvoir les contrôler ou avoir une quelconque influence dessus, de vous sentir simplement condamné à les subir et à faire avec ?

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de vous sentir profondément mal et oppressé sans être capable de savoir ce qui provoque cette sensation ? 

Est-ce un stimulus extérieur ? Le bruit ? La lumière ? La température ? 

Ou bien est-ce une émotion ? Oui mais laquelle ? Est-ce de la peur ? De la tristesse ? 

Impossible de le savoir et pourtant cette sensation est insupportable, et il faut que quelqu’un finisse par baisser le son de la télé pour que la sensation de soulagement qui suit vous fasse comprendre que le problème c’était le bruit. 

Vous ne l’auriez jamais trouvé tout seul.

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de sourire à votre interlocuteur alors que vous ressentez une profonde tristesse mais que vous n’avez aucun moyen à votre disposition pour exprimer cette tristesse ? Vous savez qu’elle est là, vous la sentez, elle est un poids sur votre poitrine, mais sans comprendre pourquoi, vous ne pouvez pas l’exprimer ou la faire sortir de vous.

Ou d’être incapable de répondre quoi que ce soit quand on vous pose une question car la réponse ne pourrait être qu’une conférence d’une heure et demie et vous vous dites que votre interlocuteur ne souhaitera sûrement pas vous écouter aussi longtemps, et pour cause, vous avez déjà essayé et personne n’a jamais accepté de vous écouter aussi longtemps. 

Au point que maintenant, vous n’essayez même plus de vous exprimer, vous vous contentez de répéter les banalités que vous entendez dans la bouche des autres pour donner l’impression que vous savez tenir une conversation et ne pas être définitivement exclu.

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de connaître la réponse à une question sans savoir expliquer pourquoi ou pouvoir justifier le raisonnement qui vous y a mené ? Au point que si l’on vous demande d’argumenter vous en êtes simplement incapable et passez pour un idiot affabulateur qui ne sait pas de quoi il parle ?

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de vous apercevoir qu’en seulement une après-midi de recherche passionnée sur un sujet vous en saviez plus que des personnes qui s’y intéressent depuis des années ?

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de dire quelque chose à quelqu’un sans avoir l’impression que ce que vous lui dites vient de votre cerveau, mais d’ailleurs ? Comme si vous étiez un canal pour lui diffuser une information qu’il devait entendre ? Et de voir son visage se modifier à mesure que vous lui parlez, et des larmes de soulagement monter dans ses yeux ou un immense sourire se dessiner sur son visage ? 

Et lorsque cette personne vous remercie de ce que vous venez de lui dire, vous êtes presque gêné parce que vous savez que ça ne vient pas de vous mais d’ailleurs, et que vous n’êtes que le poste de radio, pas l’animateur de l’émission qui a fait tout le boulot. Pourquoi est-ce qu’on remercierait un poste de radio pour le travail effectué par l’animateur ?

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé d’avoir une illumination, de faire un lien soudain entre différentes choses qui ne semblaient pas liées et de l’exprimer à votre entourage et de voir que cette compréhension que vous venez d’avoir les aide à faire eux-mêmes des liens entre des choses et à progresser dans leur propre vie ?

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de vous apercevoir que les phases d’hypo et hyperactivité que vous vivez, aussi pénibles soient-elles, surviennent toujours au bon moment ? Et vous permettent toujours, au final, d’avoir l’énergie dont vous avez besoin pour réaliser ce qui est réellement important, et d’autant plus lorsque vous les acceptez bon gré mal gré ?

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de littéralement voir le futur ? De deviner les actions ou les paroles de la personne en face de vous avant qu’elle ne le fasse ?

Si vous vivez toutes ces choses, ou au moins une partie d’entre elles, vous êtes probablement neuroatypique, possiblement autiste ou TDAH ou même les 2. Bienvenue dans ma vie. Tous ces exemples que je viens de vous citer, je les vis quasi quotidiennement.

Je m’appelle Loïs, je suis autiste, TDAH, dyspraxique, dyscalculique, haut potentiel, non-binaire, lesbienne, minimaliste et vegan En dehors du fait que je suis blanche, je suis une ode à la diversité à moi toute seule.

Au même titre que vous acceptez de me croire quand je vous explique mes difficultés dans ce monde qui n’est pas fait pour moi, je vais vous demander également de me croire quand je vous affirme des choses pour lesquelles je ne peux apporter aucune preuve.

Je ne vous amènerai jamais aucune preuve de ce que j’avance. Aucune source. Soit vous me croyez, soit vous ne me croyez pas. C’est votre choix et je le respecte dans tous les cas.

Comme vous l’avez vu dans les exemples que j’ai pu vous mentionner, certaines de ces particularités peuvent rendre notre existence difficile, mais d’autres nous donnent un avantage non négligeable sur les neurotypiques, c’est à dire les 97% de personnes dites “normales”. Certaines de ces capacités que nous avons nous permettent des choses qu’aucun neurotypique ne pourra jamais faire et en cela, vous avez besoin de nous. Ce qui nous handicape ce ne sont pas nos particularités sensorielles ou notre dysfonction exécutive (la difficulté à mener des actions), ou notre incompréhension des codes sociaux. Non, c’est simplement le fait que nous sommes minoritaires et que ce monde n’est, de fait, pas conçu pour nous. 

Vous avez besoin de nous, tout comme on a besoin de vous.

La neurodiversité, c’est tout simplement l’avenir de l’humanité.

J’en veux pour preuve le nombre de plus en plus élevé d’enfants et d’adolescents et même d’adultes qui sont diagnostiqués. Aujourd’hui il est temps qu’on sorte de notre placard nous aussi car nous sommes la clé pour modifier la matrice de l’intérieur.

On ne sort pas de la matrice, on la fait imploser de l’intérieur pour redéfinir les régles de l’espace collectif.

Pas étonnant que les groupes de jeunes qui essaient de repousser les murs de la matrice en redéfinissant les règles en terme de genre, d’orientation sexuelle, de façon de réfléchir ou de s’adresser aux autres, soient des communautés où le pourcentage de neuroatypiques (autistes, hauts-potentiels, TDAH, etc…) explose tous les scores. Certains leur reprochent de vouloir détruire les repères de la société, ils ne font que détruire les murs qui séparent les êtres humains en différentes catégories. Cette catégorisation des êtres humains c’est ce qui a permis l’apartheid, l’holocauste, les génocides, l’esclavage, le sexisme, le racisme, le validisme, l’homophobie, la transphobie, etc…

Vous avez besoin de nous pour que l’on crée ensemble un monde meilleur, plus inclusif, où plus personne ne serait rejeté pour sa couleur de peau, son genre, son orientation sexuelle, son handicap, son fonctionnement neurologique, ses croyances ou toute autre raison que les humains ont tendance à utiliser pour séparer au lieu d’inclure.

La séparation c’est l’énergie des forces de l’ombre, c’est l’énergie de la matrice artificielle. Nous sommes un collectif varié, avec des compétences variées et chacun a sa place et devrait pouvoir se sentir bien et respecté dans l’espace commun, chacun devrait avoir son espace d’expression.

Il y a quelques années, j’avais publié une vidéo qui disait que les forces de l’ombre avaient reculé et que la matrice artificielle ne tenait plus qu’à nous et à nos croyances. Des personnes m’ont dit que je m’étais beaucoup trop avancé en disant cela car il suffisait de regarder l’état du monde pour voir que ce n’était pas le cas.

L’état du monde actuel ne dépend plus de la volonté de quelqu’un d’extérieur à nous qui souhaiterait nous maintenir en esclavage, voilà ce que je disais dans cette vidéo.

Aujourd’hui notre avenir nous appartient et la matrice artificielle c’est nous qui la maintenons. Il ne tient donc qu’à nous en tant qu’êtres humains de détruire cette matrice artificielle, et ça commence en détruisant les vieilles croyances qui excluent certains humains.

Peut-être ai-je été trop naïve en pensant qu’une fois libérée de cette oppression extérieure à l’humanité,  les humains sauraient trouver leur voie vers la liberté plus rapidement, et en cela je vous ai peut-être donné un espoir qui a ensuite été déçu, et j’en suis désolée.

Aucune force n’est plus dure à contrer que l’inertie. Et aujourd’hui, c’est contre cette force d’inertie que nous devons lutter ensemble. L’humain doit lâcher-prise collectivement. Oubliez vos anciens repères, vos schémas traditionnels, de ce que doit être un homme, une femme, une famille…

Laissez de la place à ceux qu’on entend jamais, les femmes, les personnes racisées, les personnes handicapées, les neuroatypiques, les personnes trans et non-binaires, écoutez les, ils ont une autre vision du monde que celle des hommes cisgenres blancs hétéro catholiques et riches que l’on voit sans cesse dans les médias.

Nous sommes tous différents et nous avons tous notre place dans l’espace commun, et nous avons tous à gagner à écouter les voix des invisibilisés. C’est la seule solution pour détruire la matrice artificielle de l’intérieur et devenir l’humanité de 5e dimension que nous sommes appelés à être.

Prenez conscience de vos peurs, affrontez-les et prenez conscience qu’elles ne sont en fait que des épouvantards inoffensifs qui vous empêchent de vous libérer et d’être réellement l’humain évolué et libre que vous souhaitez être et que vous méritez d’être.

Ce ne sont que nos peurs qui maintiennent la matrice artificielle en place et créent toute cette souffrance au sein du collectif humain. 

À l’intérieur même de votre esprit, deconstruisez toutes vos croyances, vos certitudes, acceptez de laisser rentrer de nouvelles idées. Vous n’êtes pas obligé d’être d’accord, juste, laissez les rentrer et observez les sans les juger, puis lâchez les.

Accueillez la différence, accueillez les points de vue inhabituels sans chercher à les catégoriser en vrai ou faux. Acceptez simplement qu’ils existent et qu’ils font partie de ce monde dans lequel vous vivez.

La diversité et son acceptation est la clé pour déverrouiller le coffre dans lequel nous sommes tous enfermés.

Vous n’avez pas besoin de comprendre pour accepter une autre réalité que la vôtre, vous n’avez pas besoin d’être d’accord pour accepter que ça existe et que c’est la réalité de certains humains.

Tout ce que vous avez à faire c’est déconstruire vos murs intérieurs et faire de leurs ruines des marches d’escaliers qui vont vous permettre de vous élever encore plus haut. L’humanité ne peut grandir que si chacun des êtres humains grandit en lui-même.

Donc acceptez la diversité, accueillez la, même si vous ne la choisissez pas pour vous-même.

Vous n’avez pas besoin de comprendre ou d’être d’accord, juste d’accepter et d’accueillir en vous et autour de vous la diversité des humains qui existent.

Et si vous faîtes vous-même partie de cette diversité invisibilisée, prenez la parole, exprimez-vous, vous n’êtes pas moins important du simple fait d’être minoritaire. 

Votre parole n’a pas moins de valeur, votre existence à elle seule est indispensable à l’humanité, sinon vous ne seriez pas là, alors soyez vous- même et soyez-en fier.

Il n’y a pas qu’une seule façon d’être humain et heureusement. Acceptez d’être des modèles pour ceux qui n’ont pas encore les moyens d’assumer qui ils sont. Acceptez d’obliger les autres à changer leur façon de voir le monde simplement en affirmant fièrement qui vous êtes, vous leur rendez service en leur imposant votre existence.

Le rejet de la différence est le fondement même de la matrice artificielle. Construire un monde meilleur c’est accepter que ce que nous refusons existe même si on ne le souhaite pas. Car en rejetant les autres c’est une part de nous que nous rejetons.

Alors acceptons nous tous, accueillons nous tous, et acceptons d’autant plus ce qui nous dérange.

Merci à tous de m’avoir lu jusqu’au bout.

Pourquoi recevoir des cadeaux et en offrir est si difficile pour les autistes ?

Cet article est la retranscription écrite d’une vidéo que j’ai créée et mise en ligne sur Youtube en décembre 2022. Vous pouvez regarder la vidéo ci-dessous et/ou lire la retranscription.

Aujourd’hui j’ai décidé de vous parler de la difficulté à recevoir des cadeaux et à en offrir.

En tant qu’autiste j’ai énormément de mal avec le mois de décembre, cette période de l’année où tous les humains semblent avoir décidé d’un commun accord qu’il fallait s’offrir des cadeaux, et donc, accepter également d’en recevoir.

En effet, offrir des cadeaux et en recevoir semble être une activité naturelle et agréable pour les neurotypiques, or, pour moi, et je pense pour beaucoup de neuroatypiques, c’est particulièrement compliqué.

D’abord, offrir des cadeaux : J’ai l’impression que pour les personnes neurotypiques, donc qui ont le même fonctionnement que l’immense majorité des êtres humains, offrir un cadeau c’est genre : je rentre dans une boutique pour me balader, “oh tiens, ça ce serait génial pour Jean-Pierre ! Je le prends. Oh et puis ça je suis sûre que Gislaine va adorer, je le prends !” Et bam, les cadeaux de Noël sont faits.

Pour moi, c’est genre : bon je suis invitée à Noël, qui va être là ? Ok. Donc il faut que je réfléchisse à qui sont ces gens. Qu’est-ce qu’ils aiment ? Qu’est-ce qu’ils n’aiment pas ? Comment est leur maison ? De quoi ils aiment parler ? Comment ils sont habillés ? Quels sont leurs loisirs ? etc… Et me voilà partie dans plusieurs heures de réflexion pour tenter de rassembler tout ce que je pense savoir sur chacune des personnes qui sera présente le jour de Noël, et tenter de trouver une cohérence parmi tous ces morceaux d’informations épars dont je dispose, afin de déceler une ligne directrice qui me permettrait d’imaginer ce qui pourrait leur faire plaisir.

 Imaginez le temps et l’énergie que ça prend lorsqu’il y a 15 invités, dont certains que l’on ne voit qu’une fois par an, à Noël… 

Soit dit en passant, l’exercice est rendu d’autant plus difficile que les autistes ont souvent une mémoire différente des neurotypiques. Personnellement je ne me souviens pas des choses de façon linéaire, comme une histoire et je ne peux pas retrouver mes souvenirs de cette façon non plus. Mes souvenirs me reviennent par association d’idées de façon complètement anarchique et incontrôlable. Donc rechercher un souvenir précis est d’autant plus compliqué. 

Je pourrais faire des choix plus “neutres”, c’est d’ailleurs ce que je fais parfois pour éviter l’épuisement, et offrir quelque chose que “tout le monde” aime. Mais il n’y a rien en réalité que “tout le monde” aime. Mettons que je veuille offrir des chocolats. C’est rassembleur le chocolat. Bah oui, mais lesquels ? Les rayons débordent de dizaines de variétés différentes. Est-ce que cette personne aime le chocolat noir ? au lait ? Aime-t-elle quand il y a de l’alcool dedans ? Et c’est reparti pour des heures de réflexions, à essayer d’établir des modèles prédictifs en me basant sur ce que je pense savoir des personnes qui aiment le chocolat noir ou le chocolat qui contient de l’alcool. Est-ce que cette personne à qui je souhaite offrir ce cadeau pourrait rentrer dans ce modèle que j’ai établi des personnes qui aiment le chocolat alcoolisé ?…

Mais imaginons que j’y arrive. Je dois ensuite choisir dans quel magasin je vais me rendre pour acheter ce que j’ai choisi pour Tata Josette. Je dois choisir quand je vais y aller. 

Vous me direz jusque là, vous aussi. 

Sauf que la différence, c’est que moi, comme la plupart des autistes, je déteste les magasins. Je déteste les endroits où il y a beaucoup de stimuli, beaucoup d’objets, beaucoup de lumière, beaucoup de choses à voir et à analyser, beaucoup d’énergies qui interfèrent avec ma sphère personnelle. Je déteste les endroits où il y a des gens, et du bruit, et plein de conversations qui s’emmêlent, que je ne peux pas m’empêcher d’entendre et auxquelles je réagis intérieurement et qui m’emmènent encore dans des réflexions épuisantes alors que je suis censée trouver le cadeau de Tonton Jean-Claude. 

D’autre part, les autistes souffrent de quelque chose qui s’appelle la dysfonction exécutive. C’est une difficulté, plus ou moins marquée, pour réaliser des actions, et qui peut intervenir à différentes étapes de la réalisation d’une action : trouver l’énergie et la motivation de le faire , trouver comment organiser les étapes qui vont permettre la réalisation de cette action, choisir de quelle manière on va la réaliser, puis réussir à la réaliser. 

Toutes ces étapes demandent beaucoup plus d’énergie à un autiste qu’à un neurotypique, et souvent beaucoup plus de temps. Entrer dans un magasin et y acheter quelque chose est un acte banal du quotidien pour beaucoup, pour nous c’est un effort qui nous rappelle à quel point ce monde n’est pas fait pour nous.

Je stimme beaucoup dans les magasins, pour tenter d’évacuer mon stress. 

Stimmer c’est faire des gestes répétitifs comme agiter ses doigts, se balancer, ou faire les 100 pas nerveusement. Sauf que j’essaie de le faire discrètement pour ne pas attirer des regards surpris.

Donc je sais que lorsque je vais m’y rendre, ça va être désagréable, ça va être épuisant, donc je n’ai pas envie d’y aller. Je ne le fais que pour répondre à cette injonction sociale qui veut que l’on offre des cadeaux à Noël, et parce que des gens m’ont invité et que ça ne se fait pas de refuser une invitation pour Noël. D’ailleurs si on tente de le faire, les gens insistent car ils veulent qu’on se sentent accueillis et pas rejetés. C’est adorable de leur part sachant qu’ils ne peuvent absolument pas imaginer les angoisses et l’épuisement que tout ça génère chez moi.

Donc comme je déteste les magasins, j’essaye d’être stratégique : si je peux, dans le même magasin, trouver les cadeaux pour plusieurs personnes, j’aurais moins de magasins à faire, donc je serai potentiellement moins épuisée.

Mais même une fois dans le magasin, comme je l’ai dit pour les chocolats : aucun article n’existe en un seul exemplaire, il y a toujours un choix pléthorique. Et là, je suis obligée de me lancer dans une étude comparative de chacun des items présents pour tenter de déceler lequel correspondrait le plus à ce que je pense savoir de la personnalité de mamie Paulette. 

J’imagine que je pourrais faire comme certains, prendre le moins cher. Mais j’ai envie de vraiment faire plaisir quand j’offre un cadeau. Car voir la déception sur le visage de la personne à qui je l’offre, après tant d’efforts passés à tenter de lui offrir quelque chose qui lui corresponde, c’est juste déchirant et déprimant et ça me renvoie une fois de plus au fait que je suis vraiment un extraterrestre et que je ne comprends pas les êtres humains.

Imaginez donc, que tous ces efforts sont à multiplier par le nombre d’invités présents. Je peux vous assurer que mes mois de décembre sont toujours éreintants et angoissants.

Mais, alors qu’on peut se dire qu’on a fait le plus dur, arrive le 24 décembre. Et là, les cadeaux il va falloir se confronter au visage de celui qui les reçoit, le verdict tombe, est-ce que ça va plaire ou pas ? J’ai l’impression d’être un accusé au tribunal, en attente de son jugement. 

Parce que, les neurotypiques disent souvent que les autistes n’ont pas d’empathie : c’est faux ! On a juste pas la même que vous. Moi, je ne comprends pas les gens, je ne comprends pas les codes sociaux, même si j’ai appris avec les années à les appliquer, mais par contre, je lis les visages. Je lis le regard des gens. Je vois ce qu’ils ressentent. Je suis une éponge, c’est pour ça que souvent j’évite de regarder les gens car leurs ressentis me polluent et j’ai déjà bien assez à faire avec les miens. Sauf dans mon boulot où là je cherche à les aider et où ce super-pouvoir est particulièrement utile.

Mais là, quand il s’agit de regarder les gens ouvrir les cadeaux que je leur ai offert, c’est une vraie torture. Sauf quand je suis sûre de mon coup, ce qui est rare, mais ça arrive avec les gens très extravertis, qui ne sont pas avares d’informations sur eux. Ils disent tellement qui ils sont dans toute leur attitude, leurs mots, leurs réactions, qu’il est plus facile pour moi de trouver comment les rendre heureux.

Mais, le pire c’est ensuite : quand c’est moi qui reçoit les cadeaux. Là le stress est à son maximum, j’ai le cœur qui bat la chamade et je suis plus que jamais dans le faux-self. 

Le faux-self pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une fausse personnalité de façade que les neuroatypiques développent et utilisent dans les interactions sociales. C’est un comportement qui correspond à ce qui est attendu par les autres, mais qui ne correspond en rien à notre vraie personnalité. C’est comme enfiler un costume. Les gens croient que c’est nous, mais non, c’est juste un masque derrière lequel on se cache, une armure qui nous protège.

Donc au moment où je reçois des cadeaux je suis dans le faux-self à fond. Le mien est relativement extraverti, souriant et sociable. Rien à voir avec qui je suis vraiment à savoir une personne introvertie, angoissée, et solitaire.

Je sais qu’en ouvrant les cadeaux, je vais me retrouver confrontée avec l’image que les gens ont de moi. Et ça fait mal car ça me rappelle à quel point cette image n’est pas qui je suis. Ça me rappelle que justement je suis dans le faux-self avec la plupart des gens que je côtoie et que pratiquement personne ne me connait réellement et ne sait réellement ce qui me ferait plaisir.

Mais surtout, il va falloir que je MONTRE une réaction. Et c’est ça le plus dur. 

Si je m’écoute, quand je reçois quelque chose, je ne suis que dans les pensées : est-ce que j’aime cet objet ? Comment je vais l’utiliser ? Est-ce que je me le serais acheté ? Comment  je vais faire pour que cet objet ne devienne pas un poids dans ma vie ? (Oui, petite précision, je suis minimaliste car les objets ont un poids énergétique dans ma vie et plus j’en ai plus je croule sous ce poids, donc j’ai besoin de faire du vide très régulièrement mais il est compliqué de se débarrasser d’un cadeau, ça me donne l’impression d’être ingrate ) Pourquoi cette personne me l’a-t-elle offert ? Quelle image a-t-elle de moi pour m’offrir ça ? Qu’attend-elle de moi ? Est-ce un message ? Cette question peut sembler bizarre, mais en tant que femme très masculine, on m’a souvent offert “des trucs de fille” : le cauchemar absolu pour moi. Le truc qui réveille des traumatismes d’enfance, quand on essayait de me faire rentrer dans une case qui n’était pas la mienne : celle des filles.

 Et dans ces cas là, au-delà du fait que je n’aime pas ce qu’on m’offre, j’ai la sensation qu’on me dit aussi : “je ne t’aime pas comme tu es, je voudrais que tu sois différente.” C’est extrêmement violent.

Bref, au moment où je découvre le cadeau, je suis en intense réflexion. Sauf que la personne qui me l’a offert me regarde et attend une réaction de ma part. Et c’est là que c’est dur. Je dois réussir à m’extraire de mon monde intérieur, bien plus confortable pour moi que le monde extérieur, et forcer mon visage à sourire, m’efforcer de dire merci, voire de commenter pourquoi j’aime ce cadeau. Et c’est un effort épuisant, même si j’aime réellement ce qu’on m’a offert.

Au final, à la fin de la soirée, je suis littéralement éreintée, vidée de mon énergie et souvent complètement déprimée.

Vous comprendrez donc aisément pourquoi, pour moi, et je pense de nombreux autistes, les “fêtes” de fin d’année sont loin d’être une fête.

Les anniversaires c’est encore pire puisqu’on est le seul à recevoir des cadeaux donc l’attention ne peut même pas être répartie sur les autres invités. 

C’est pour ça que je ne fête jamais mon anniversaire.

Donc si vous avez une personne autiste dans votre entourage, ne le prenez pas mal si, comme moi cette année, elle décide de boycotter Noël, et si ce n’est pas le cas, n’hésitez pas à lui demander ce qui lui conviendrait le mieux lors de cet évènement.

Je précise que ce que j’ai expliqué correspond à mes difficultés, et je sais qu’elles sont partagées par d’autres personnes neuroatypiques, mais pas nécessairement toutes. 

Et inversement, d’autres personnes sur le spectre autistique ou souffrant d’autres troubles du neurodéveloppement pourraient rencontrer des difficultés que je n’ai pas mentionné ici. 

De manière générale, j’ajoute enfin, que ce n’est pas parce que nous pouvons le faire que c’est confortable de le faire. Et donc partir du principe que si une personne peut, ça veut dire qu’elle n’est pas autiste, est faux. 

Parfois nous pouvons mais ça nous épuise, et tout nous épuise tellement dans ce monde que parfois, savoir précisément ce qui nous pose problème dans une situation nous est impossible. 

Cette impossibilité de savoir ce qui ne nous convient pas, est précisément ce qui nous empêche de prendre soin de nous. 

Lorsque l’on a identifié un stimulus comme problématique, on peut tenter de le supprimer. Lorsque l’on est envahi par une sensation de mal-être, de trop-plein, sans savoir d’où ça vient ou ce que l’on pourrait faire pour l’apaiser, on a juste à subir en serrant les dents et prier pour que ça s’arrête, et ça finit souvent en crise ou en burn-out.

Merci à tous de m’avoir lu, en espérant que mon expérience personnelle puisse vous permettre de mieux comprendre notre quotidien. 

Et si vous souffrez des mêmes difficultés que moi, n’hésitez pas à envoyer cet article à vos proches pour leur expliquer ce que vous vivez.